A. Enoncé de l'extrait
Cinq semaines en ballon, paru en 1863, relate les aventures de l’inventeur Samuel Fergusson, son domestique Joe et Dick Kennedy qui partent à bord d’un aéronef pensé par Fergusson lui même, à la découverte du continent Africain.
Le chapitre X est consacré entièrement à l’explication du fonctionnement de l’appareil qui s’élève grâce au réchauffement du gaz qu’il enferme.
« Mes moyens d’ascension et de descente consistent uniquement à dilater ou à contracter par des températures diverses le gaz renfermé dans l’intérieur de l’aérostat. »
[…]
« Vous avez vu embarquer avec la nacelle plusieurs caisses dont l’usage vous est inconnu. Ces caisses sont au nombre de cinq.
« La première renferme environ vingt-cinq gallons d’eau, à laquelle j’ajoute quelques gouttes d’acide sulfurique pour augmenter sa conductibilité, et je la décompose au moyen d’une forte pile de Bunsen. L’eau, comme vous le savez, se compose de deux volumes en gaz hydrogène et d’un volume en gaz oxygène.
« Ce dernier, sous l’action de la pile, se rend par son pôle positif dans une seconde caisse. Une troisième, placée au-dessus de celle-ci, et d’une capacité double, reçoit l’hydrogène qui arrive par le pôle négatif. »
« Des robinets, dont l’un a une ouverture double de l’autre, font communiquer ces deux caisses avec une quatrième, qui s’appelle caisse de mélange. Là, en effet, se mélangent ces deux gaz provenant de la décomposition de l’eau. La capacité de cette caisse de mélange est environ de quarante et un pieds cubes. [...]
« Vous l’avez déjà compris, Messieurs : l’appareil que je vous décris est tout bonnement un chalumeau à gaz oxygène et hydrogène, dont la chaleur dépasse celle des feux de forge. »
« De la partie inférieure de mon ballon, qui est hermétiquement clos, sortent deux tubes séparés par un petit intervalle. L’un prend naissance au milieu des couches supérieures du gaz hydrogène, l’autre au milieu des couches inférieures.
[...]
« Ils descendent tous deux jusqu’à la nacelle, et se perdent dans une caisse de fer de forme cylindrique, qui s’appelle caisse de chaleur. Elle est fermée à ses deux extrémités par deux forts disques de même métal.
[...]
« Le tuyau parti de la région inférieure du ballon se rend dans cette boîte cylindrique par le disque du bas ; il y pénètre, et adopte alors la forme d’un serpentin hélicoïdal dont les anneaux superposés occupent presque toute la hauteur de la caisse. Avant d’en sortir, le serpentin se rend dans un petit cône, dont la base concave, en forme de calotte sphérique, est dirigée en bas.
« C’est par le sommet de ce cône que sort le second tuyau, et il se rend, comme je vous l’ai dit, dans les couches supérieures du ballon.
[...]
« En effet, que se passera-t-il ? Une fois le chalumeau allumé, l’hydrogène du serpentin et du cône concave s’échauffe, et monte rapidement par le tuyau qui le mène aux régions supérieures de l’aérostat. Le vide se fait en dessous, et il attire le gaz des régions inférieures qui se chauffe à son tour, et est continuellement remplacé ; il s’établit ainsi dans les tuyaux et le serpentin un courant extrêmement rapide de gaz, sortant du ballon, y retournant et se surchauffant sans cesse. » […]
« Pour opérer l’ascension, je porte le gaz à une température supérieure à la température ambiante au moyen de mon chalumeau ; par cet excès de chaleur, il obtient une tension plus forte, et gonfle davantage le ballon, qui monte d’autant plus que je dilate l’hydrogène. »
B. Etude de l'extrait: fonctionnement d'une invention hybride
Bien que l’œuvre se nomme « Cinq Semaines en ballon » l’appareil utilisé par les trois personnages se trouve être, à la vue de définitions d’un ballon et d’une montgolfière une combinaison des deux aéronefs (un aéronef est un moyen de transport capable de s'élèver au sein de l'atmosphère terrestre). Nous allons le prouver puis expliquer son fonctionnement.
Remarque: Samuel Fergusson commet une erreur en affirmant que le gaz contenu dans l'enveloppe de l'aéronef est de l'hydrogène. D'une part, nous verrons dans le 2) qu'on obtient après une électrolyse du dihydrogène et d’autre part, l’hydrogène est un atome qui se trouve rarement à l’état isolé dans la nature. Souvent, il s’associe à d’autres atomes pour former des molécules.
1) L’invention : entre ballon et montgolfière
Remarque: Samuel Fergusson commet une erreur en affirmant que le gaz contenu dans l'enveloppe de l'aéronef est de l'hydrogène. D'une part, nous verrons dans le 2) qu'on obtient après une électrolyse du dihydrogène et d’autre part, l’hydrogène est un atome qui se trouve rarement à l’état isolé dans la nature. Souvent, il s’associe à d’autres atomes pour former des molécules.
1) L’invention : entre ballon et montgolfière
a. La montgolfière
La montgolfière a été inventée par les frères Etienne et Joseph Montgolfier au XVIIIème siècle. Les deux hommes ont remarqué que lorsqu’on place des petits fragments de papier au-dessus d’une flamme, ces deniers s’élèvent dans l’air. Ils eurent donc l’idée d’enfermer cet air chaud dégagé par le feu et voir la conséquence de cet emprisonnement.
Le premier vol d’une montgolfière a lieu le 4 juin 1783 à Annonay. L’appareil est alors fabriqué en taffetas et en soie.
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Statue des frères Montgolfier à Annonay |
Les montgolfières actuelles possèdent trois éléments essentiels : une enveloppe, un brûleur et une nacelle.
L’enveloppe est constituée de tissu, polyester ou nylon et enduite de polyuréthane et de silicone afin de pouvoir résister aux rayons ultraviolets et éviter les fuites de chaleur. Le brûleur est indispensable car c’est sous son action chauffante qui permet à l’engin de se mouvoir de haut en bas dans le ciel. Enfin, la nacelle est, comme dans ses premiers jours en osier, un matériau souple, résistant et esthétique à la fois.
b. Le ballon à gaz
Le ballon à gaz diffère de la montgolfière car son pilotage ne nécessite pas un apport de chaleur. En effet, il est rempli d’un gaz plus léger que l’air et pour le diriger il suffit de lui ajouter ou de lui enlever du lest.
Le premier ballon à gaz a été inventé par le physicien Jacques Charles qui le remplit avec du dihydrogène. Ce gaz fut plus tard remplacé par du gaz d’éclairage ou encore de l’hélium (moins fréquemment utilisé car cher). Les « accessoires » utilisés de nos jours par les aéronefs y étaient déjà présents : enveloppe vernie, filet, lest, soupape, ancre, nacelle. Quelques innovations sont venues par la suite s’ajouter aux éléments de base tels que le guiderope qui sert de frein et d’amortisseur au ballon lors des atterrissages et un panneau de déchirure qui permet un dégonflage rapide du ballon.
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Dessin représentant les différents composants d'un ballon à gaz |
Conclusion: Nous voyons donc ici que l'appareil de Samuel Fergusson combine l'utilisation du dihydrogène comme dans les ballons à gaz avec le chauffage du contenu de l'enveloppe comme cela se fait dans les montgolfières.
2) L'électrolyse de l'eau: obtention de dihydrogène
Pour assurer l’ascension et la descente de l’engin, Samuel Fergusson doit avoir constamment du dihydrogène à l’intérieur de l’enveloppe de l’aérostat. C’est par une électrolyse qu’il obtient ce gaz. Nous en avons réalisé une nous-même afin de voir comment elle se déroule et ce qui en résulte.
3) Phénomènes physiques intervenant dans le mouvement de l'invention
a. Dilatation du gaz: facteur du gonflement de l'enveloppe
Nous avons réalisé une expérience afin de voir si le chauffage d’un gaz influence le gonflement de la paroi qui l’enferme. Pour notre essai, nous avons utilisé l’air ambiant.
Hypothèse : Le réchauffement de l’air est responsable du gonflement d’un ballon.
Matériel :
- Ballon de baudruche
- Bouteille en plastique
- Réfrigérateur
- Saladier
- Eau bouillante
Protocole :
- On place une bouteille en plastique vide débouchée dans le réfrigérateur pendant une demi-heure.
- Une fois la demi heure passée, on place à l’embouchure de la bouteille le ballon de baudruche.
- On remplie un saladier d’eau bouillante.
- On place la bouteille dans le saladier.
Observations :
Voici à quoi ressemblent la bouteille et le ballon à la sortie du réfrigérateur. On voit que la forme de la bouteille n'a pas changé et que le ballon est toujours dégonflé.
Ici, le saladier est rempli d'eau bouillante. On voit que le ballon a l'embouchure est gonflé. De plus, cela n'apparaît pas sur la photographie mais le bas de la bouteille a été déformé.
Interprétation :
L’air qui se trouve dans notre ballon est constitué d’une multitude de molécules. Sur le dessin, elles sont représentées par des petites étoiles.
Lorsqu'on chauffe l'air contenu dans le ballon, les molécules s'écartent et se dirigent vers la paroi du ballon, ce qui entraîne son gonflement.
Conclusion: Le ballon gonfle car les molécules qui constituent l'air qu'il contient s'écartent en présence de chaleur et se dirigent vers la paroi.
Conclusion: Le ballon gonfle car les molécules qui constituent l'air qu'il contient s'écartent en présence de chaleur et se dirigent vers la paroi.
Enoncé de la poussée d’Archimède
Tout corps plongé dans un fluide subit de la part de ce fluide une poussée verticale, dirigée vers le haut, égale au poids du volume de fluide déplacé.
Explication
Par exemple, lorsqu’on plonge un solide, disons un cube dans une bassine d’eau, ce solide va déplacer un certain volume d’eau. D’ailleurs on remarque ce déplacement à l’œil nu car le volume d’eau total contenu dans la bassine augmente.
Il en va de même pour les montgolfières. En effet, une montgolfière est remplie d’air donc elle déplace un volume d’air défini, qui exerce une force, une poussée sur sa paroi.
Cela signifie donc que pour pouvoir s’élever, le poids de l’air contenu dans la montgolfière doit être inférieur au poids de l'air qu'elle déplace, c'est à dire à la poussée d'Archimède.
Exemple
Prenons un ballon d’un mètre cube rempli d’air. Lorsque l’air qu’il contient est chauffé à 100°C, le ballon a une masse mb de 950g. Admettons à présent qu’il ait déplacé un volume d’air d’un mètre cube à 20°C d’une masse mair de 1,2kg.
Maintenant, nous allons calculer le poids de l'air contenu dans le ballon et le poids de l'air déplacé.
Poids de l’air contenu dans le ballon
Le poids de l’air Pb contenu dans le ballon est égal au produit de la masse mb du ballon par la force gravitationnelle g. C’est-à-dire que :
Pb = mb*g
Pb est en Newton (N)
mb = 950g = 0, 95 Kgg = 9, 18 N/Kg
Application numérique: Pb = mb*g = 0, 95 * 9, 18 = 9, 3 N
Poids de l’air déplacé par le ballon
Le poids de l’air Pair contenu dans le ballon est égal au produit de la masse mair du ballon par la force gravitationnelle g. C’est-à-dire que :
Pair est en Newton (N)
mair = 1,2 Kg
g = 9, 18 N/Kg
Application numérique: Pair = mair*g = 1, 2 * 9, 18 = 12 N
Schématiquement, on obtient le résultat suivant:
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Sur le dessin, 1 cm = 2N |
Remarque: Ici nous avons voulu mettre en évidence le fait que la poussée d'Archimède est égale au poids de l'air déplacé. C'est pour cette raison que l'on a appelé cette poussée Pair cependant, usuellement, la norme représentant la poussée d'Archimède est notée p.
Conclusion : On constate que la valeur du poids de l'air déplacé (= valeur de la poussée d'Archimède) est supérieurau poids de l'air contenu dans le ballon, donc il s'élève.
C. Conclusion
On remarque donc que l'invention de Samuel Fergusson est ingénieuse puisqu'elle associe le fonctionnement d'une montgolfière et d'un ballon à la fois. En chauffant le gaz contenu dans l'enveloppe de l'aéronef, il parvient à augmenter sa capacité d'ascension. Cependant, il se trompe en assurant que ledit gaz est de l'hydrogène et non du dihydrogène comme nous l'avons démontré. De plus, son dispositif possède des limites. En effet, en 1785, Pilâtre de Rozier et Pierre Romain, premiers aéronautes de l’histoire entreprennent la traversée de la manche à bord d’un engin conjuguant lui aussi les deux techniques vues précédemment (chauffage d’un gaz plus léger que l’air). Malheureusement, la flamme devant élever l’engin se retrouve en contact avec le dihydrogène de l’enveloppe, il se produit alors une explosion, entrainant une perte rapide d’altitude et la mort des passagers.
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Carte postale commémorative de la mort de Pilâtre de Rozier et de Pierre Romain (1895) |
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